Résidence Ecritures de lumière du Ministère de la Culture, et Lux scène nationale de Valence
Action artistique avec La Maison des adolescents
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Dans les carrières de Saint Restitut (26) le vide des galeries est une présence en creux où l’ombre et la lumière luttent ; la pierre, une peau inscriptible et effaçable. Les carriers, dans leur rage de vivre ou leur espoir d’éternité, ont laissé sur les parois les griffures de leurs outils et des graffitis. Depuis, des visiteurs de passage y répondent en écho.
Dans ces architectures en ruine abandonnées à la végétation, les écailles du temps donnent une forme de confiance en la pérennité du monde : c’est la trace d’une présence.
En me confrontant à cette mémoire géologique et humaine, je n’ai pas voulu dérouler l’histoire du lieu mais ouvrir un passage à travers la matière photographiée. Au creux de l’image numérique travailler la profondeur par le feuilletage, la stratification de plans et déployer le grain pixellisé de la pierre. Avec la couleur et la lumière sculpter la matière que les hommes avaient déjà sculptée pour faire advenir une image dans le temps.
Ce lieu en appelle au mythe : les carriers, Orphée de l’ombre, avancent dans les entrailles de la terre pour en extraire la pierre et la porter vers la lumière. Dans leur avancée laborieuse ils traversent des dangers qu’ils semblent vouloir conjurer en inscrivant dans la matière leur nom, leurs rêves, autant d’incantations magiques voire sacrées.
C’est aussi une métaphore de la photographie qui capte et fige : Orphée n’a pas confiance, il veut voir Eurydice juste avant que le seuil des enfers ne soit franchi. Alors qu’elle est en mouvement, s’extrayant de la gangue des ombres, aimantée par la lumière qui ouvre aux possibles de la vie, il se retourne, la regarde et la tue - comme le ferait un instantané rapide et chosifiant.
Dans mes photographies, la première prise de vue est sortie de sa réalité figée pour entamer sa métamorphose. Mes images, palimpsestes de la matière, se déplient dans la durée, surprennent le temps plutôt qu’elles ne le suspendent.
Bernadette Tintaud, 2010