Jamel Eddine Bencheikh Revisiter l’apparence La Grange au Loup, 2 mai 1999

Extrait de la préface
Monographie éditée pour la rétrospective 1979-1999 à L’espace Art Brenne, Le Blanc



Bernadette Tintaud veut saisir des palpitations sans les immobiliser. Elle leur laisse l’espérance du passage vers…Vers on ne sait, elle ne sait : le mot fixe-t-il la chose dite, l’œuvre immobilise-t-elle alors que, une seconde plus tard la forme est emporter vers un autrement ? Alors protéger ce qui peut advenir, ce que l’on ne pourra vérifier, ce que l’on ne saurait imaginer. L’instant ne mobilise que l’instant, la vie reste en suspend. L’artiste voudrait capter cet instant-là, non pas le narrer.
En 1996 prend place la série Labyrinthe : ce sont des instants de réel organisés à travers des surfaces vitrées, transparences, superpositions de plans, perspectives basculées, présences humaines, silhouettes fugitives intemporelles et perdues dans des lumières aveuglantes, à la recherche de l’ouverture et du passage secret…
L’image peut souvent servir à une inflation du visible, mais elle sait aussi se dépasser. Alors, écrit Marie-José Mondzain, elle devient « énigmatique et, par l’énigme qu’elle pose, elle met la pensée, la parole et le désir en mouvement. »
L’œuvre de B.Tintaud a l’intelligence de révéler le tourment du créateur qui la hante. Restons en suspend avec elle. Regardons les perspectives s’ouvrir et attendons de nouvelles explosions de vie. Sa photographie renvoie à ses mystères comme aux nôtres. Elle ne se mutile de rien, elle redonne parole au silence et délivre notre regard de la cécité du visible.
Je l’en remercie avec ces quelques mots, elle qui allia dans ses Phoèmes,  photographies et poèmes :
Ecriture feinte
Rêche la peau du poignet
Rêche la page

Comment oser la métamorphose
Sous le temps lisse d’une horloge
Qui étend un drap sur la vie

Ecarteler le visible
Forer le vide
De non-retour
Se nouer aux effervescences
Obscurités élémentaires d’une
Ecriture sans durée