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Préface Pascal Bonafoux Portrait, invention, métamorphose (1990)

Préface
Plaquette éditée pour l’exposition Autoportraits  Galerie Claude Samuel, Paris



Un peintre se peint (Quand ? Qu’importe… depuis plus de vingt-cinq siècles les peintres ne cessent pas de se peindre). Il regarde le modèle qu’il est dans un miroir. Achevée, la toile, la fresque, est fidèle à ce miroir. Donc elle est un mensonge. Pervers, le miroir a tout inversé.
Un autoportrait est un portrait gauchi. Ce n’est pas par hasard que le miroir est un attribut de la Vérité comme il l’est de la Fourberie, qu’il passe des mains de la Prudence à celles de la Vanité. Et ce n’est pas un hasard encore si L.-B. Alberti assure que Narcisse est l’inventeur de la peinture. Penché sur l’étang, Narcisse ne sait pas qui lui fait face. Et, par la métamorphose, la mort est épargnée à Narcisse. (Il faut lire Ovide, non Freud.) Il n’y a pas d’autoportrait qui ne soit chargé de ce mythe et de ce trouble. Tout peintre qui se découvre devant un miroir et se peint, se veut l’inventeur de la peinture et passe par la métamorphose.
Un photographe se photographie (Quand ? Qu’importe… depuis plus d’un siècle et demi les photographes ne cessent pas de se photographier). Tout est changé. Un autoportrait qui se passe de l’intermédiaire du miroir est pareil à un portrait. Fin du mythe.
Bernadette Tintaud qui photographie des photographies déformées, pliées, gauchies d’elle-même, n’a recours qu’aux seuls moyens de la photographie. Pour retrouver le mythe, sa puissance et son exigence, elle passe par ces épreuves.
Bernadette Tintaud ne sait rien des portraits qui lui font face. Ils sont affaire d’invention, affaire de métamorphose.