L'homme-frontière, 2002

Récit photographique, commande du Conseil Général et Musées des Pays de l’Ain (2002)


La neige est tombée le long de la route départementale 122. Elle a repoussé les confins et révélé d’autres terres. Cette mise en scène donne un nouveau grain au paysage.
Des forces souterraines ont soulevé le triangle de terre enclavée, vestide réveillée.
Un chemin de ronde vacillant cerne les terres noires du sud où les genets se dessinent au fusain.
Plaque gelée en suspension au-dessus du ravin : appel de l’autre rive.
Sur le versant nord un chemin, devenu cascade gelée, serpente jusqu’au col.
Montagne au flanc redressé, mur blanc marqué d’un hiéroglyphe.
Onde gelée, coulée miroitante, dérive des continents qu’un accéléré nous rendrait visible, bouleversant nos besoins de frontières.

L’homme est témoin de cette métamorphose.
Un instant il s’est senti libre face à ce nouveau territoire, comme tombé au monde.
Quel paysage intérieur se dessine-t-il dans sa quête d’infini ? Lequel de ces chemins de traverse emprunte-t-il pour se hisser et repousser les limites du visible ?
Son dos vibre pour nous de ce mystère.

Il marche.
En arpentant il devient le jalon mobile du paysage, l’homme-frontière.
Sentinelle du monde, il reconstruit une autre carte : terre paradoxale, fluide et marquée de verticalité, en résonance avec son mental.

A la balance des deux terres, il réinvente la ligne de partage des eaux. 

B.Tintaud